Préambule:  La parole analytique n'est pas un monopole, tous les analystes de l'association peuvent intervenir librement.

 

I)          Sur la communication entre le comité de lecture et Elia.

 

 

Si nous observons bien la situation de départ, l’élément de trouble qui a mis de la confusion dans les échanges nous saute immédiatement aux yeux.

Il est le suivant :  l’expression "le texte part de l’apriori que l’enfant intérieur n’est pas en souffrance" contient une assertion qui est fausse.

Il n’y a en effet aucune relation de cause à effet entre la souffrance et le blocage du sentiment intérieur.
Certes, la souffrance n’aide pas à son déblocage,
mais elle ne crée pas le blocage.

Ce n’est pas parce qu’il y a eu de la souffrance que la relation à l’enfant intérieur est empêchée. 

 

La souffrance est la conséquence d’une atteinte, elle se produit lorsqu’une blessure s’ouvre, elle n’est pas la cause de la blessure, elle n’est que sa trace.

Bien au contraire, et je ne fais surtout pas ici l’apologie de la souffrance, selon la tradition, la souffrance est présentée comme un facteur concourant à l’approfondissement.
Il existe beaucoup de littératures en lesquelles il est question de blessures initiatiques.
Il apparaîtrait donc, que la souffrance aurait plutôt des vertus d’amélioration de la sensibilité et de facilitation à la perception sensible.   (1)

 

 

Le trauma, par contre, est le moyen par lequel se porte l’atteinte.

L’impact crée une brèche, et dans l’espace ouvert de la blessure, des parasites psychiques s’engouffrent.


Ce sont ces parasites intrus (2) qui anesthésie et bloquent le sentiment intérieur, ce sont eux les responsables. ( Les contes figurent ces parasites en parlant de sortilèges envoyés par les méchants de l’histoire )
( cf, le sommeil de la belle au bois dormant. Elle a sans doute souffert, mais ce qui la maintient endormie, c’est un sortilège (les parasites ), pas la souffrance )

 

 

La souffrance est d’ailleurs souvent accusée à tort.
Elle est visible et se produit concomitamment à l’intrusion des parasites, tandis que les phénomènes parasitaires, eux,  ne se manifestent pas, ils sont clandestins, ils passent inaperçu, on ne les soupçonne pas, et ils font leur sale boulot de déstructuration ni vus ni connus.  

 

 

Ceci étant dit, la première conclusion que nous pouvons tirer au niveau de la communication, c’est que la proposition faite à Elia n’aurait jamais dû être formulée de cette façon.

Une assertion fausse conduit à chercher des explications qui n’existent pas et il en ressort une certaine panique de la pensée qui, elle, conduit chacun à se retrancher dans ses certitudes et à bunkériser ses positions.

 

 

Certes, Elia pouvait à bon droit être interpellée sur ce qu’il convenait de dire, selon elle, aux personnes en difficulté pour rencontrer leur enfant intérieur, mais il était intellectuellement injuste de l’embarrasser avec une suggestion infondée, ou pire encore de l’accuser d’être partie d’un apriori.

 

Il est à noter que par sa réponse, Elia a d’une part ramené les choses là où elles devaient être, c’est-à-dire centrées sur le sujet légitime et universel des relations de chacun avec son enfant intérieur ;
et qu’elle a d’autre part précisé que le sujet des personnes en difficulté avec leur perception sensible était un autre thème, sans aucun doute très légitime aussi, et très intéressant aussi, mais qui devait être considéré en lui-même, dans un débat à part, ou dans un texte dédié, sans qu’on le laisse s’inviter dans une discussion qui ne le concernait pas.  

 

Analytiquement parlant, la réponse d’Elia a donc été parfaite.

Elle a redressé une suggestion tordue, celle qui reliait la souffrance à l’altération de la perception sensible, et elle a distingué l’altération de la perception sensible comme étant un sujet distinct de celui de la relation à l’enfant intérieur.

C’est exactement ce qu’il fallait faire.

 

 

Par contre, de son côté, le comité de lecture ne peut pas bénéficier de la même appréciation !
Il s’est laissé surprendre par la confusion des deux thèmes et a fait peser son manque de discernement sur Elia.

Nul doute qu’il y a là une leçon à tirer, à commencer par la nécessité de réfléchir un peu mieux avant d’interpeller un tiers sur un sujet donné. (3)

 

 

II) Sur les échanges qui ont suivi.

 

Nous comprenons bien, à ce stade, que les échanges qui se sont produits par la suite se sont fondés sur la base d’une assertion fausse et dans la confusion des genres.

Si je puis me permettre une analogie, lorsqu’on nourrit un ordinateur très performant et très intelligent avec des éléments non sequitur, il donnera des résultats qui auront l’air très construits, très logiques, parce qu’il raisonne très très bien…mais qui n’auront pourtant aucun sens !

Les interventions de Messieurs Preum’s et Deuz sont d’une logique imparable mais elles sont construites sur la base de liens établis entre enfant intérieur et perception sensible altérée…
Or, nous avons vu, analytiquement parlant, que ces deux thèmes peuvent bien apparaitre concomitamment  mais qu’ils ne connectent pas de lien entre eux.

Il n’y a donc peut-être pas à s’attarder sur des réflexions basées sur des situations inexistantes.

Par contre, au niveau de la forme il y a probablement quelques points à souligner.

 

 

Le premier consisterait à faire remarquer que l’intervention de Madame Troiz se placerait plutôt dans une logique d’intercession et de partage tandis que celles de Messieurs Preum’s et Deuz s’inclurait plutôt dans une logique accusatrice.

 

 

Le second consisterait à faire observer la manière dont Monsieur Preum’s se sert de l’hyper réalisme dans ses arguments. 

 

 

Voici un extrait de ce que nous dit Monsieur Prem’s soutenu par Monsieur deuz :

"Or que nous dit-elle ensuite : "que nous refusons de voir/d’accepter (cet enfantsous prétexte d’être désormais adulte et avec des responsabilités". Je me faisais une joie de le contacter et voila que je suis coupable de refuser de le voir. "

 

Et voici l'extrait dont il parle:

"C’est l’enfant que nous avons été et qui sommeille encore et toujours en chacun de nous. C’est l’enfant que nous sommes mais que nous refusons de voir/d’accepter sous prétexte d’être désormais adulte et avec des responsabilités.
L’enfant intérieur, c’est notre esprit, dans toute sa légèreté, sa joie, son amour, son esprit ouvert, sa créativité, son dynamisme et sa passion pour la vie."

Alors oui, Elia s’exprime en disant textuellement ceci :
C’est l’enfant que nous sommes mais que nous refusons de voir/d’accepter sous prétexte d’être désormais adulte et avec des responsabilités.

Oui, textuellement, elle dit bien : que nous refusons de voir/d’accepter sous prétexte d’être désormais adulte et avec des responsabilités.

Pour autant, il n’y a pas besoin d’un décodeur très puissant pour comprendre que cette phrase n’est pas à prendre au pied de la lettre.
Il n’y a personne, évidemment, qui est dans le refus formel et conscient !
 


Lorsqu’il y a écrit : nous refusons de voir/d’accepter sous prétexte d’être désormais adulte et avec des responsabilités.
Il faut comprendre :

Arrivé à l’âge adulte de nombreux obstacles tels que la pression sociale, l’éducation, le stress, la fatigue, le manque d’imagination, le regard des autres, la réputation et toutes les représentations collectives en général, nous gardent éloignés de notre enfant intérieur, et si nous succombons à ces pressions, nous en arrivons à un point où il tombe dans l’oubli, à notre plus grand préjudice.

 

C’est bel et bien ça qu’il faut comprendre puisque c’est bel et bien ça qu’elle a dit.

Alors oui, Elia a un style plutôt concis qui s’affranchit de l’accessoire, mais l’essentiel y est.

Non seulement l’essentiel y est mais l’accessoire y est aussi, sa présence est juste sous-entendue.

Cet accessoire est à ce point acquis et partagé dans notre culture générale que même s’il n’apparaît pas dans le texte, la connivence entre l’auteur et le lecteur le font apparaître par déduction.

C’est là un code culturel qui fait partie de l’expression écrite comme de l’expression orale.

L’hyper réalisme de la pensée avec lequel Monsieur Preum’s critique les arguments d’Elia a un effet bulldozer sur les codes et les connivences culturelles entre auteur et lecteur.

Ce même texte relu d’une manière hyper réaliste, c’est-à-dire privé de ses sous-entendus flagrants, perds évidemment de son relief, mais il perd surtout de son sens, et il devient ensuite assez facile de l’affaiblir et de le railler.

C’est sans doute cette raillerie, vécue comme injuste et dévalorisante, qui a profondément indigné Madame Troiz et justifié son intervention.

Nous voilà ramenés au problème de l’albatros piégé au raz du sol par des marins peu compréhensifs.    

Pour élargir mais aussi déplacer un peu le problème de cette incompréhension entre ceux qui possèdent les codes et ceux qui ne les possèdent pas je voudrais faire un parallèle avec certaines représentations codifiées que certains comprennent et d’autres ne comprennent pas.

La plupart d’entre nous ont déjà vu des plans d’architectes destinés aux constructeurs ou des dessins industriels destinés à des ingénieurs.

Un système de codes permet de restituer en 3 dimensions ce que le dessin montre en 2 dimensions.

 C’est bel et bien la pensée aidée des codes qui conceptualise en 3 dimensions ce qui n’est qu’en deux dimensions, le dessin lui, reste vraiment en deux dimensions.

Certains esprits se repéreront très facilement et « verront » immédiatement et précisément de quoi il est question et d’autres ne verront qu’un fouillis inextricable sans le moindre intérêt.   

Personne n’aura le mauvais goût d’instaurer une échelle de valeur entre ceux qui voient et ceux qui ne voient pas, personne ne dira que ceux qui voient sont de meilleurs citoyens ou de meilleurs amis que ceux qui ne voient pas.

Tout le monde comprend bien qu’il s’agit d’un sujet auquel certains esprits peuvent s’intéresser et le comprendre tandis que d’autres ne pensent tout simplement pas selon cette logique et voient les choses autrement.

De la même façon, personne n’accusera les architectes et les ingénieurs d’être des tordus qui font des trucs incompréhensibles dans leur coin et personne ne s'amusera à dire qu'ils sont juste nuls. 

La bonne règle voudrait donc que l’on ne raille pas systématiquement l’autre sous prétexte que l’on ne comprend pas de façon immédiate ce qu’il nous dit.

C’est une règle qui mériterait d’être suivie parce que l’expérience nous prouve que la simplicité, la franchise humble qui consiste à dire :" Je n’ai pas compris" ......Est une disposition d’esprit qui induit sans exception de la bienveillance et permet l’instauration d’une relation d’aide et de partage;
tandis que la dévalorisation et la moquerie, elles, induisent toujours du déchirement et de l'éloignement. 

 

     (1)Je ne suis absolument pas en train de dire que la souffrance soit le seul chemin vers l’approfondissement et la perception sensible, et je ne dis surtout pas non plus qu’elle doit être recherchée. 
Je suis, au contraire, profondément convaincu qu’au plus on peut se tenir éloigné de la souffrance, au mieux c’est.
La contemplation et la méditation, entre autres, sont des manières très efficaces d’accéder à la profondeur.

Ce que je dis, par contre, c’est que sans qu’on aille les chercher, les épreuves s’imposent à nous et induisent de la souffrance.
Cette souffrance est un sillon, une trace, elle est passive, même quand elle est aiguë, tandis que les parasites intrusifs qui modifient notre entendement et paralysent la perception sensible sont actifs et expansionnistes, ce sont eux qui rigidifient les psychés.      
(2)    Il me semble intéressant de dévoiler l’identité de ces parasites intrus et d’expliciter de quelle manière ils fonctionnent à l’insu de l’hôte qui les héberge bien malgré lui.
Pour des raisons évidentes, il convient de le faire d’une manière généraliste et très éloignée de notre débat. Cela sera fait au travers d’un billet dont le titre sera : Les enfants soldats.

(3)    Pour info, je fais partie du comité de lecture et prends la part de responsabilité qui me revient.

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