Le rêve que nous allons analyser est celui de Louise, une petite fille de 11 ans, ou tout au moins qui avait 11 ans lorsque le rêve m’a été confié. Les parents qui me l’avaient présentée pour des raisons inutiles de préciser ici ont accepté de participer à un travail familial et c’est après une dizaine de séances que ce rêve est survenu.

Louise voyait une île sur la mer où se trouvait un jardinier.

 

L’île était partagée en deux : d’un côté se trouvaient des palmiers, de l’autre des sapins.

 

Louise se retrouve sur l’île à côté du jardinier et une nuée noire de canards approche soudain de l’île.

 

Louise et le jardinier se réfugient sur un palmier mais ne peuvent ensuite ni monter ni descendre car les canards noirs bloquent le haut et le bas.

 

Puis au loin s’approche une immense raie volante dans le ciel et qui s’arrête à hauteur du tronc.

 

Louise et le jardinier montent sur la raie, Louise prenant des objets de sa grand-mère.

 

La raie vole alors vers la maison de la GM paternelle.

 

Cette dernière ouvre la porte, elle est maussade, sombre…

 

Louise se dirige vers une chambre qui est l’ancienne chambre de son père.

 

Elle y dépose les objets.

 

Ensuite la raie s’envole avec le jardinier et ils retournent sur l’île.

 

Louise, elle, se retrouve avec plusieurs autres enfants dans une rue sombre qui mène à son école. Approchant

de l’école, cette dernière est éclairée, normale, accueillante.

 

Le rêve démarre comme un rêve initiatique.

Il y a une île sur la mer que Louise voit, c’est-à-dire que le moi de la petite fille émerge à la conscience au fur et à mesure qu’elle grandit et sort de l’enfance et qu’elle est invitée à voir ce phénomène qui la concerne intimement.

 

Le jardinier représente l’instance psychique qui est à l’œuvre pour la faire croitre et cultiver ses potentiels personnel.

Il est une image de son animus.

Compte tenu de son âge, l’animus n’apparaît pas sous les trais d’un amoureux ou de tout autre personnage masculin

érotisé, Il apparaît sous celui d’une figure bienveillante non sexuée mais quand même masculine, c’est-à-dire encore sous l’influence de l’image paternelle.

 

L’île était partagée en deux : d’un côté se trouvaient des palmiers, de l’autre des sapins.

Il convient de préciser que le père de Louise est originaire d’une ville de la riviera méditerranéenne connue pour ses palmiers et que sa maman est originaire d’une région de montagne, couverte de sapins.

Riche de ces éléments, il est facile de conclure que les deux types d’arbres représentent les lignées de ses ascendants et qu’à l’aide de son ami le jardinier Louise est en train d’inventer sa culture personnelle, bien à elle, à partir de ses deux héritages.

 

Louise se retrouve sur l’île à côté du jardinier et une nuée noire de canards approche soudain de l’île.

Ici, les ennuis commencent puisque une nuée noire vient obscurcir le ciel tranquille.

Nous devons comprendre que la sortie de l’enfance et les premiers pas vers l’âge adulte et l’autonomie déclenchent

des angoisses qui menacent l’émergence du moi.

Le fait de sortir de l’enfance est un fait naturel qui n’est pas anxiogène en soi.

Nous devons donc comprendre qu’il y a quelque part dans l’inconscient de quelqu’un qui lui est proche, le refus ou

la crainte de la voir grandir.

 

Pour donner quelques explications sur les canards il faut savoir que le père de Louise avait grandi dans un quartier populaire, que sa scolarité avait été quelque peu conflictuelle et qu’il s’était fait longtemps traiter de vilain canard…Et que même aujourd’hui, quelque part il se vivait encore comme un vilain canard.

 

 

On peut donc, à ce stade soupçonner que les angoisses que subit Louise sont induites par le papa…mais nous verrons que ce n’est pas si simple, ou en tout cas que ce n’est ni tout à fait vrai ni tout à fait faux…

 

Louise et le jardinier se réfugient sur un palmier mais ne peuvent ensuite ni monter ni descendre car les canards noirs bloquent le haut et le bas.

Là, Louise est vraiment cernée et le jardinier, son moteur psychique, ne peut pas l’aider en l’état.

Les canards noirs bloquent le haut, cela signifie que Louise ne peut pas trouver de solution par la réflexion.

Les canards noirs bloquent le bas, cela veut dire que les instincts non plus ne peuvent venir la secourir.

 

Puis au loin s’approche une immense raie volante dans le ciel et qui s’arrête à hauteur du tronc.

C’est ici qu’on voit que la vie est bien faite…Alors que Louise est bloquée dans sa croissance, la voilà qui est secourue par son devenir.

Souvenez-vous, le jardinier a planté du potentiel d’épanouissement et avec la raie nous voyons arriver les fruits de

ce qui a été planté.

La raie est une représentation de sa féminité naissante et du pouvoir par le charme que cette féminité procure.

 

Louise et le jardinier montent sur la raie, Louise prenant des objets de sa grand-mère.

La raie ici peut être comparée par la forme et par la fonction au tapis volant des contes orientaux.

Le charme procure de la confiance en soi et donne la capacité d’atteindre ses buts.

 

Je vous demande ici de bien regarder car il y a une transformation : Les angoisses ne sont plus là, puisque la raie offre un échappatoire, et dès lors que l’on est plus sensible à la menace, les nuées sombres et mouvantes représentées par la

multitude des canards apparaissent désormais sous forme d’objets immobiles qui représentent toujours l’angoisse, mais une angoisse dépassée, contrôlée, contenue, identifiée.

 

Nous comprenons que ces objets facteur d’angoisses sont ceux de la grand-mère, c’est-à-dire que si nous soupçonnions le papa tout à l’heure, nous nous apercevons maintenant qu’il n’est pas la source originelle de ces angoisses mais qu’il en a été la victime et aussi le porteur puisque c’est à travers lui que Louise les a rencontrées.

 

La raie vole alors vers la maison de la GM paternelle.

Puisque Louise a identifié ce qui la préoccupe, elle sait désormais à qui aller demander des comptes, et elle ne se gêne pas pour y aller.

 

Cette dernière ouvre la porte, elle est maussade, sombre…

 

Il faut savoir que la grand-mère paternelle de Louise est aussi originaire de la riviera et que dans la vraie vie, au quotidien c’est quelqu’un d’enjoué et de jovial….Mais comme ici Louise est de l’autre côté du miroir, qu’elle a accès au-dessous des cartes, elle voir désormais tout ce qui se cache derrière les apparences joyeuses de la grand-mère.

 

Louise se dirige vers une chambre qui est l’ancienne chambre de son père. Elle y dépose les objets.

Nous pourrions qualifier ce segment du rêve de retour à l’envoyeur.

Par son attitude décidée et son geste précis Louise dit en substance à son père et à sa grand-mère qu’elle n’est pas concernée par leurs histoires, qu’elle remet les choses à leur place et que la mère et le fils n’ont qu’à régler leurs problèmes entre eux sans chercher à lui faire porter le fardeau !

 

Ensuite la raie s’envole avec le jardinier et ils retournent sur l’île.

Louise, elle, se retrouve avec plusieurs autres enfants dans une rue sombre qui mène à son école.

 

Approchant de l’école, cette dernière est éclairée, normale, accueillante.

 

Une fois que les objets intrus ont été remis à leur place, l’union sacrée entre conscient et inconscient, ce moment intense et exceptionnel lié à la menace n’a plus lieu d’être, chacun peut retourner à ses occupations dans son propre monde.

Le jardinier, dans le monde inconscient, retourne à son travail de croissance sur l’île.

 

Louise, dans la vie de tous les jours retourne à l’école, et c’est ici que nous voyons la dernière transformation :

 

Cette rue sombre qui mène à l’école, c’est-à-dire cette difficulté à grandir au quotidien, avec des incidences réelles sur la scolarité, ce passage sombre, débouche sur un lieu lumineux et accueillant, c’est-à-dire qu’après l’épreuve passée avec succès se trouve la récompense de se sentir bien dans sa peau en phase avec soi-même et confiant en son devenir.