Chap. I 

Quelques chiffres.

 

Voyons d’abord quelques statistiques.

Nous savons que les alignements de chiffres ne passionnent pas grand monde, aussi, allons-nous limiter l’exercice au minimum !

 

Il y a eu au total 150 réponses.

 

C’est le mot "âme" qui a, de loin, inspiré le plus de réactions avec 24 réponses, soit 16% du total.
Nous poserons que ce mot est très au-dessus des autres.

 

Vient ensuite un tir groupé avec les mots "caractère", "autrement", "confier", "histoire", avec respectivement 18, 17, 17 et 17 réponses, soit respectivement, 12%, 11,33%, 11,33% et 11,33% du total. 
Nous poserons que ce groupe est le groupe N°1

 

Puis, nettement en retrait, un peloton de queue, bien groupé lui aussi, avec les mots "penchant", "songe", "naturel", "chez", avec respectivement 13, 13, 12 et 11 réponses soit respectivement 8,67%, 8,67%, 8% et 7,33% du total.
Nous poserons que ce groupe de mot est le groupe N°2

 

Et pour finir, autant isolé en queue que ce qu’"âme" est isolée en tête, le mot "transport", avec 8 réponses et 5,33% du total.
Nous poserons que ce mot est très en dessous des autres.

 

L’intérêt de ces statistiques est de prendre la mesure de la toile de fond qui constitue une population et d’en dresser un tableau structurel.

 

Les choses deviendront plus claires lorsque nous aurons précisé que les mots ne font pas que renvoyer à une définition connue autour de laquelle on s’amuse à construire une phrase.
Les mots servent aussi de fixateur à toutes les émotions non exprimées ainsi qu’à différents contenus inconscients qui s’agrègent sur eux par opportunisme, juste parce que l’exercice proposé leur permet de le faire.

 

Nous avons donc ici une magnifique occasion de radiographier un groupe donné et de pouvoir parler de tout ce qu’on ne voit pas et qui pourtant le concerne au premier chef.    

 

Pour bien comprendre ce que nous voyons sur cette radiographie, nous allons faire deux choses :

 

1)    Surligner en jaune le mot très au-dessus des autres, en vert, les mots du groupe 1, en bleu ceux du groupe 2 et en rouge celui très au-dessous des autres, comme ceci :

 

 

   

Ame

   
         

Caractère

Autrement

Groupe 1

Confier

Histoire

         

Penchant

Songe

Groupe 2

Naturel

Chez

         
   

Transport

   



      2)   
Donner une définition analytique pour chaque mot.

 

Le mot "Ame" est analytiquement lié au secret de nos aspirations profondes, à la nostalgie de l’enfance et de son innocence naïve, ou encore, à la nostalgie d’une hypothétique liberté absolue déjà rencontrée dans des temps mythiques.
Il est aussi lié au sentiment de plénitude que procure l’intimité amoureuse, ainsi qu’à la part d’humanité intacte que chacun abrite en soi, même secrètement, et enfin, à cette image attendrie de soi que l’on ressent lorsqu’on se considère comme un fils innocent de la nature innocente.
Plus globalement, il parle aussi de la souffrance du cœur lorsque ce dernier est confronté à l’inexorable loi de la matière et des faits, si peu compréhensive avec ses aspirations à lui !         
 

Le mot "Caractère" est un mot objectif et ancré qui évoque la conscience de soi, la puissance de conviction.
Il évoque notre propension à pouvoir peser, influer.
Il a aussi trait à la densité de notre personnalité.
Il est très lié à notre habilité d’enracinement dans le réel et à notre volonté de nous déterminer par rapport à ce qui est concret et constatable.
Il a essentiellement trait à notre capacité à faire des choix et au sentiment personnel que nous sommes construits par ces choix que nous faisons.   

 

Le mot "Autrement" est un mot de conceptualisation, il fait appel à l’agilité intellectuelle, à l’imagination, à la capacité de remise en cause des schémas, il introduit des notions d’ouverture, d’espoir, de reconstruction.

 
Le mot "Confier" a trait au sacré porté par les liens qui unissent les individus lorsqu’ils se choisissent mutuellement sur des critères subjectifs.

Cela nous ramène à des relations de confiance et d’estime telle que l’amitié peut les abriter ou tels que des liens filiaux de substitution peuvent les abriter.
Ces liens filiaux de substitution concernent toutes ces personnes qui sont pour nous comme un frère, comme un fils, comme un père ou une mère, sans qu’aucun lien du sang ne soit impliqué dans la relation.
Ce mot parle de soi chez les autres, des autres qui sont comme soi et vis-à-vis desquels ou de la part desquels, la trahison ne peut pas exister.  


Le mot "Histoire" est analytiquement lié à ce qui est figé à jamais, à la trace que l’on laissera dans les mémoires de ceux qui comptent pour nous et aussi des autres.
Il est associé à la part de nous qui restera éternellement gravé dans l’inconscient collectif.
Il s’intéresse à ce que l’on dit et ce que l’on dira de nous et au plaisir que l’on a à se nourrir de l’image que l’on donne et au plaisir de savoir que cette trace durera.


Le mot "Penchant" contient aussi du figé, il est principalement lié à la part de destin inexorable auquel on a le sentiment d’être voué.
Ce mot représente le pli, les rails, le chemin tracé sans possibilité de choix.
D’une certaine façon il marque la puissance d’une influence incontrôlable, supérieure à notre volonté, qui nous maintient dans une forme de faiblesse, d’empêchement, de handicap.


Le mot "Songe" ramène à la notion d’inconsistance, de flou, de désincarnation, de perte du réel et parfois même de perte de raison.
Autant le mot "rêve" agrège autour de lui des sensations liées à des valeurs constructives, autant le mot songe est analytiquement associé à la déperdition, à la pensée vaine, à l’errance. 


Le mot "Naturel" nous fait écho de sentiments relaxants qui font du bien.
Il nous parle de tout ce qui reste à l’humain lorsqu’il est débarrassé des enjeux de pouvoir et de survie, à savoir la paix, l’harmonie, la confiance, la bienveillance.
 

"Chez" est le seul mot de la liste qui soit vraiment ambivalent au niveau de ses associations inconscientes.
Il peut autant servir de réceptacle à des sensations agréables comme, par exemple, tout ce qui est lié au respect, à la gratitude, au sentiment confortable de refuge ou de sanctuaire,
Tout comme il peut agréger sur lui des sentiments plus rugueux comme ceux liés au rejet, à l’accusation subjective, à la stigmatisation de l’autre…   


Avec le mot "Transport" nous touchons à la dimension de l’insouciance, de la légèreté, de la gratuité, il nous parle d’un monde ou le temps ne pèse pas, ou au contraire l’individu surfe sur la notion de temps avec facilité et liberté.
Il est le mot de l’émancipation des contraintes.

Ceci étant posé, il faut bien sur garder en tête que chacun de ces mots va être utilisé par les participants autant sur son sens premier que sur sa connotation analytique.

 

C’est la nature même de l’exercice proposé qui conduit à cette situation.

 

Si le professeur avait simplement demandé à ce que les mots soient utilisés dans des phrases pour vérifier si son sens était bien compris, nous ne pourrions pas faire cette étude.

 

Nous pourrions à la rigueur nous intéresser à la signification des contresens que certains participants auraient pu faire, mais cela serait resté de l’ordre de l’individuel et nous n’aurions pu en aucune façon définir quoique ce soit concernant le groupe lui-même. 

 

C’est bien parce que le mot a inspiré une phrase construite autour de lui que ces phrases contiennent du sens premier, à savoir du conscient, mais aussi et surtout, de la sensation subjective, à savoir de l’inconscient.

 

 

C’est à la signification de leur expression inconsciente que nous allons maintenant nous intéresser, et nous verrons que non seulement l’inconscient a beaucoup à dire mais qu’aussi, nous avons beaucoup à apprendre de lui !

Introduction
Les phrases des détenus

Deuxième chapitre