Les archétypes

 

 

Plus de soixante ans après que CG Jung ait développé la notion d’archétype, il est de la dignité des analystes d’aujourd’hui d’en présenter une version en phase avec notre temps, accessible à l’entendement du plus grand nombre.
C’est ce que nous allons tenter de faire ici, en y allant par petite touches, de manière à être clair sans nécessairement vulgariser.

Première strate :

La première strate sur laquelle fonder notre approche pose qu’originellement, les archétypes appartenaient exclusivement au domaine de l’inconscient collectif.   

Alors bien sûr, une fois que nous avons dit cela, il convient de préciser urgemment les contours de cet inconscient collectif, car si le contenant est flou, le contenu archétypal lui-même demeurera flou.

Si nous voulons nous représenter correctement cette notion, il nous faut passer par une analogie physiologique, telle que le système sympathique.
 
Penchons-nous particulièrement sur ces héroïques globules blancs qui donnent leur vie pour que notre santé prospère.
Nous savons que leur motivation n’est pas d’ordre sentimental.
Ce n’est pas parce qu’ils nous connaissent depuis l’enfance et qu’ils nous aiment de tout leur cœur qu’ils vont avec abnégation se faire tuer pour nous au champ d’honneur.

Ils le font parce qu’ils ont un contrat indéfectible avec la nature qui leur commande, comme elle commande à tous les autres champs de la biologie, de rendre possible l’expérience humaine en rendant un corps viable pendant quelques décennies.

Ce contrat est indépendant de toute valeur morale, les globules travaillent de la même façon pour les gentils bénévoles des restaurants du cœur que pour les affreux huissiers qui mettent les gens dehors à la fin de la trêve hivernale.  

Nous constatons que l’expérience humaine est rendue biologiquement possible par un ensemble de dispositions pan humaines, auxquelles l’homme, lui-même est étranger, ce qui en d’autres termes veut dire qu’elles se sont mises en place sans qu’on lui ait demandé son avis.

Conclusions ?

Ces dispositions dépassent l’homme !

Elles permettent son existence, mais elles le dépassent : L’homme n’était pas présent au temps de l’origine du vivant, il n’était pas présent quand ses grandes structures se sont organisées, il n’a pas son mot à dire quant à l’heure à laquelle son cœur va s’arrêter de battre et mettre fin à son expérience corporelle.                                                                                              

Il n’y a donc aucun doute, il est vraiment dépassé, et la conscience de notre finitude autant que la conscience d’être objet, sont fondamentales pour bien saisir la substance de l’archétypal. 

Bien entendu, nous ne pouvons pas complètement établir de parallèle entre le biologique et le psychique, mais dès lors qu’au travers d’une analogie, nous pouvons mettre en relief l’existence d’un contexte panhumain, permanent et organisé, nous approchons d’assez près l’idée de ce que peut être l’inconscient collectif.

Nous parlons d’un "environnement-contexte", universel et structurant qui rend possible l’expérience que chacun d’entre nous peut faire de la vie.
Sa partie visible opère dans la biologie, sa partie originellement cachée opère dans la psyché.   

A ce stade, si tout le monde peut accepter l’idée de la panhumanité pour la biologie, puisque tous les Saint Thomas ne peuvent que la constater de leurs yeux, l’idée que le psychique puisse aussi être enchâssé dans une structure contraignante, limitatrice et collective peut agacer tous les libertaires de la pensée.

Pourtant, au risque de les décevoir, les faits sont les faits : Tant que nous sommes vivants et présents en ce monde, notre expérience psychique est elle aussi hébergée dans un contenant dont les structures sont mises en place par l’inconscient collectif.
Tous les ressorts de cette expérience sont tout aussi universellement partagés par la psyché des hommes, que le sont les conséquences de la gravité pour leur corps.

Toutes les cultures, toutes les religions, tous les modes de vie ont des équivalences dans leurs représentations du monde ;
la grégarité s’y retrouve toujours, la notion d’unité sacrée de la nation, de la tribu ou du clan, aussi.
Les troubles mentaux divers sont aussi tous semblables en tout lieu, au sein de toutes nations et produisent les mêmes symptômes.
Les grandes différences de développement et d’organisations des groupes humains les plus divers, ne sont dues qu’aux différents centres d’intérêts vers lesquels chacun se sont tournés en fonction de l’environnement qui était le leur.                                                                   

L'inconscient collectif est à la fois la matière constitutive de ce que nous sommes, et les ressorts qui permettent la réalisation de notre potentiel en ce monde.

Deuxième strate
Attendu que la nature de l’inconscient collectif, à savoir le contenant, nous est maintenant appréhendable, nous allons pouvoir nous intéresser de plus près aux contenus, les archétypes eux même.  (1)

Pour cela, la seconde strate sur laquelle nous allons progresser consiste à bien poser le fait que les archétypes ne sont pas une simple vue de l’esprit.          

Ils ont, en effet, une présence bien concrète et complètement jointive à la conscience.
La place qu’ils occupent, en ce qui nous concerne, n’est nulle part ailleurs que dans la physiologie du cerveau.

Enfin et surtout : Il convient de poser qu’en cas de conflit entre ces deux voisins, c’est le pot de terre contre le pot de fer !      
Lorsqu’il est question de faire nos choix de vie, la voix de la raison est plutôt fluette tandis que la puissance organique des archétypes est tonitruante, au point de pouvoir paralyser et submerger la conscience, qui, nous le rappelons, en tant qu’humaine, est dépassée par l’archétypal.

Traditionnellement le commerce conscient/inconscient se produit en mode autogéré, par les bons soins de notre cerveau, qui, comme les globules et tout le système sympathique, obéit à la nature.

Si nous parlons de l’existence de ce commerce, c’est pour définitivement tordre le cou à l’idée que les archétypes ne seraient que des allégories diffuses et lointaine, que l’on ne rencontrerait que dans les concepts de philosophie ésotérique.

Ils ont bel et bien une chimie qui participe au biotope humain. 

Pour en convaincre tout le monde, nous allons faire appel à quelques témoins dont le vécu est édifiant.

Ces témoins sont des personnes pour lesquelles le voisinage avec le monde archétypal est plutôt houleux.

Elles ont été diagnostiquées bipolaires.    

En phases
maniaques ces sujets sont littéralement projetés à l’état de veille dans le monde de l’inconscient  et  se trouvent exposés aux images primordiales de la psyché : les archétypes.
Cet état de veille, qui par nature est dédié à l’action dans le monde conscient, n’est "outillé" que pour les besoins de sa fonction.
Il ne possède ni les filtres qui protègent des aspects irradiants et fascinants des archétypes ni les décodeurs qui permettent de les comprendre.
Les bipolaires en phase maniaque se retrouvent donc témoins hallucinés d’un spectacle dont les acteurs sont des principes psychiques actifs, porteurs d’injonctions aux dimensions inconnaissables car infinies.
Ils se trouvent tout simplement saisis par une puissance dont ils pressentent l’importance et la portée sans pour autant pouvoir comprendre ou mesurer ce qu’elle est.
Pour décrire ces moments, ils parlent parfois d’un savoir secret qui leur est donné.
Les bipolaires ne connaissent pas ce qu’ils expérimentent, mais ils savent que c’est extraordinaire, que c’est au-delà de la portée commune et que tout y est intensément réel.
Entre eux, ils se considèrent parfois comme des "initiés" ou tout au moins comme un groupe de personnes ayant vécu, avec le même rituel, des révélations venues de très haut et cachées au plus grand nombre.

Nous comprendrons mieux le sens de ces témoignages en les mettant en perspective avec ce que CG.Jung nous dit des archétypes. 

"Les archétypes sont à la fois de nature symbolique et de nature organique ; ils fondent le patrimoine commun de l'humanité.
Au niveau symbolique, ils sont des puissances qui caractérisent les principes primordiaux constitutifs de la nature humaine.
Au niveau organique,
l’archétype irradie selon son type.
C
’est l'irradiation de cette puissance qui
en fait une ressource et un moteur, dont l’élan stimule notre libido dans le sens de notre réalisation.

Par contre, cette irradiation constructive peut se transformer en fascination et en sidération handicapante dès lors qu’il y a dysfonctionnement, ce qui conduit à tous les processus de dissociation et de régression que les littératures qui s’intéressent aux troubles du comportement décrivent en détail dans leurs jargons. " (2)

Disons donc merci à nos amis bipolaires qui jouent ce rôle d’explorateurs témoins.
Tous ceux dont la conscience est ancrée dans le conformisme du réel et qui, hélas, n’accèdent jamais, ni par profondeur sensible, ni par intuition, ni par méditation ni par accident au territoire de l’inconscient, peuvent désormais, en les écoutant, percevoir la réalité objective des archétypes, tout ayant le grand confort d’éviter le face à face conscient avec eux !

Troisième strate :

Maintenant que nous connaissons le lieu de vie des archétypes, leur pouvoir organique, la réalité objective de leur existence, et toute la disproportion entre leur puissance et celle de la petite conscience humaine, nous allons proprement pouvoir nous intéresser à ce qu’ils sont, à quoi ils servent et à comprendre pourquoi ils sont comme ils sont au lieu d’être autrement ! 

Originellement, les tâches assignées aux archétypes pour servir de cadre à l’expérience humaine étaient peu nombreuses.  


Il s’agissait de perpétuer l’espèce, parce que l’homme est animal, et de chercher un sens à la vie parce que l’homme est plus qu’animal.  

De fait, les archétypes eux même étaient peu nombreux.

-      L’archétype paternel, premier pilier, destiné à installer en l’homme le sens de la responsabilité envers les prochaines générations, et à générer la propension à orienter la conscience vers les notions :

o   De protection au bénéfice des plus vulnérables.

o   D’organisation par la hiérarchie.


 Au fil du développement de l’être, de sa complexification et de l’élargissement de sa conscience, l’archétype paternel originel n’a plus suffit à inspirer tout l’éventail des préoccupations humaines. Il a donc essaimé en succursales spécialisées et indépendantes dont l’ADN trahit pourtant la filiation. (3)

Ainsi, nous voyons apparaître, chronologiquement parlant, l’ami-guide, première figure archétypale qui incite à accepter et même rechercher les métamorphoses des temps qui changent.
Il permet de comprendre que l’on peut s’éloigner de son état initial tout en restant soi et accomplir un destin unique, médité quelque part, peut être hors de nous.
Il introduit l’idée que l’on peut suivre une voie personnelle, à distance du collectif, qui nous mènera à la fois à nous même, mais aussi à nous même devenu autre.
L’ami-guide est le premier initiateur qui invite à l’individuation.
Il nous dit, cet archétype, que la fidélité à ce que nous sommes passe par la différenciation du collectif et que l’individuation n’isole pas mais conduit à une autre communauté, celle d’êtres plus profonds et plus conscients.   

Ensuite toujours dans la filiation de l’archétype paternel, apparaît la figure archétypale du mage.
Il est celui qui a recueilli les secrets que la nature a confié aux générations et préfigure la mystique.
Il introduit la notion de confiance en l’insondable et la notion d’héritage, de transmission.
Il encourage à se laisser gagner et instruire par ce qui nous dépasse.
Il introduit la notion de coopération avec un aspect de l’éternel féminin qui peut être ressource et refuge, et qui de toute façon a propension à vouloir se lier au masculin.
Il est le premier archétype à introduire la notion d’intégration du féminin en soi, ce qui explique son image peu typée, sexuellement. 
  

Et enfin, en tant que référence mystique, apparaît la figure archétypale du grand ancêtre qui est la préhistoire du questionnement sur le mystère des origines.
C’est cette figure qui introduit la notion de lignées et du statut de maillon que chacun d’entre nous occupe et par lequel il trouve toute sa légitime place dans le cosmos.
Cet archétype complète et parachève l’archétype paternel, il inspire l’idée que l’homme a rencontré son origine puisqu’il est lui-même devenu origine.
C’est de l’inspiration de cet archétype qu’est né l’adage hermétique : Les hommes sont des Dieux mortels, les Dieux sont des hommes immortels.

            

-      L'archétype maternel, deuxième pilier.
Il installe en l’homme l’idée de refuge, base de la grégarité et de l’unité du groupe.
Il apporte les notions d’accueil inconditionnel, de légitimité à être et de salut. 
Il est aussi le redoutable gardien du sacré, maître de la vie, ligne de séparation entre intériorité subtile et monde matérialisé. 
Il instille l’intuition de la présence d’une énigme logée dans l’intériorité et le sentiment de la puissance de son secret.
Par ricochet, il inspire aussi la crainte du néant.

L’archétype maternel originel n’a plus suffit, lui non plus, et a aussi essaimé en succursales spécialisées, qui bien qu’indépendantes, sont toutes généalogiquement issues de cette racine mère.    

Dans la lignée chronologique de l’archétype maternel, nous voyons d’abords apparaître un temple vivant.
Il figure un collège de femmes. Cet archétype rayonne de ce qui est exclusif à la fertilité, de ce qui ne se transmet qu’entre femmes et qu’elles doivent protéger.
Il est le lieu qui abrite le serment inviolable que le féminin a passé avec le mystère.
Il médite et inspire toute la vocation sensible que le féminin consacre au vivant.  

Dans le fil de l’évolution, nous voyons ensuite apparaitre l’archétype de la Sibylle.
Il est l’archétype qui coopère par vocation avec le masculin sensible, il participe au dévoilement de ce qui est caché, à l’élargissement de la conscience, et surtout, il pousse le féminin à aller vers l’extérieur, à exister aussi, d’une manière plus individuelle, en dehors de son collège. 
C’est un archétype qui n’est jamais très loin de celui du mage et vice versa, comme des jumeaux.
L’archétype Sibylle offre de la connaissance cachée au mage qui, en retour, lui offre du sens et encourage son émancipation.

Enfin, en tant que consécration de l’archétype maternel, apparaît la figure de la mère de l’univers que par facilité nous appellerons Demeter. 
Il est essentiellement l’archétype de l’intercession qui protège les êtres mortels de l’inflexible loi de l’infini qu’ils ne peuvent comprendre.
Cet archétype induit dans l’âme humaine l’émergence des principes de justice, de sagesse, de tempérance, d’harmonie, de confiance, de lâcher prise, d’absolu…Tout un package qui tend à laisser transparaître l’esprit de la loi suprême qui commande aux acteurs de l’inconscient collectif.  

Arrivé à ce stade, il me semble important de faire un petit aparté pour voir comment Jung se débrouillait lorsqu’on abordait des sujets aussi proches de ce qui est en général du domaine des religions.

Il faut d’abord se souvenir que le sujet de la pensée religieuse est bien à l’origine de la divergence irréconciliable entre Freud et Jung. 

Freud ne se confronte pas à la question du mystère de l’origine c'est un sujet qu'il évacue complètement.
Pour lui, il y a le désir, le refoulement du désir, et la souffrance liée au refoulement du désir.
Il insistait beaucoup pour que Jung se saisisse de ces mêmes axiomes sans rien y changer.

Or Jung ne pouvait pas accepter les limites de la pensée athée.

Il trouvait médiocre et décevant de fuir une question fondamentale à laquelle la dignité de l’intelligence commandait de répondre, et il a fini par s’émanciper de la doctrine de Freud pour mûrir ses propres réflexions, celles  qui ont justement
abouti à la notion de figures primordiales : LES ARCHETYPES.
 
Pour autant, il a abouti à la découverte d’éléments universels et constitutifs de l’âme humaine sans jamais avoir prétendu œuvrer à l’instauration d’une religion.

La pensée religieuse, de Jung, se contente d’admettre trois choses :
 - Elle admet qu’il y a un mystère originel.
 - Elle admet que ce mystère est vivant.
 - Elle admet que ce mystère pense l’homme et le relie à un univers créé.

Si nous observons bien les choses, ce n’est pas la religion qui a permis à Jung de faire émerger la notion d’inconscient collectif à la conscience humaine, mais, c’est le refus d’écarter la pensée religieuse qui l’a permis.

A tout seigneur tout honneur, nous terminerons cette strate avec les vedettes du monde archétypal, les célébrissimes anima et animus.

Il convient de préciser que le psychisme est hermaphrodite et que de fait, chaque genre manifesté, homme ou femme, a dans l’inconscient un pendant autrement sexué.

Très concrètement, cela signifie que lorsqu’on est homme,
on a en soi dans l’inconscient, un élément de personnalité féminin que l’on appelle anima et qui détient notre potentiel de sensibilité, d’intuition, de créativité, de douceur et plus largement de toutes les qualités que l’on attribue généralement à la féminité ;
et, lorsqu’on est femme, on a en soi, dans l’inconscient, un élément de personnalité masculin que l’on appelle animus et qui détient notre potentiel de réalisation au travers des qualités de logique, de raisonnement, d’autorité, d’affirmation de soi et plus largement de toutes les qualités que l’on attribue généralement à la masculinité.

Ils sont ce qu’on appelle des archétypes de liaison, ils permettent les relations entre les profondeurs de l’inconscient et la conscience, et cette proximité qu’ils ont avec la conscience font que ce sont eux qui se reflètent et se projettent le plus dans le monde matérialisé.

Ils sont les archétypes de l’érotisation, ce sont eux qui magnétisent la matière jusqu’à en faire un objet de désir.
D’une certaine manière, ils enchantent notre quotidien et tous ceux qui sont un jour tombé amoureux d’une personne ou d’un bel objet peuvent connaître toute la puissance de leur capacité à nous émerveiller et à nous donner des ailes !

Nous voyons bien se dessiner un monde gigogne qui fait flores à partir des deux piliers initiaux, au fur et à mesure que se développent les fonctions psychiques et qu’elles nécessitent davantage d’organes.
Nous voyons se structurer une organisation mythique enchantée par l’anima et l’animus qui, à ce stade, fait du monde matérialisé un royaume assez semblable à celui que Walt Disney recrée pour nous divertir ! 

Pour autant, le temps de l’enfance n’est pas éternel, il y a toujours un moment ou un vilain serpent vient se tortiller sous notre nez avec des suggestions très tentantes, auxquelles, bien sûr, on ne résiste pas, et on se retrouve bientôt comme Adam et Eve, à devoir travailler pour gagner notre pitance ou comme Prométhée à se morfondre d’angoisse après avoir eu la riche idée de voler le feu des Dieux !

Cela s’appelle devenir adulte et faire face aux conséquences de ses actes, ce sera l’objet de notre quatrième strate.   

Quatrième strate

Si pour les légendes la fin de l’innocence semble être le résultat d’une intention effrontée, pour la psyché, l’émergence de l’archétypal dans la conscience humaine est tout à fait mécanique.
Il n’y a aucune chance de lui échapper dès lors que le cycle d’un individu entre dans ce cadran de vie.

Cela passe par la voie des instincts, au travers des hormones qui changent la biochimie de notre corps et qui font qu’un beau jour nous devenons capables de procréer. 

Nous cessons alors d’être des petits anges pleins de fraîcheur dont le regard innocent émerveille la galerie.
Nous devenons des êtres dont la pensée est désormais créatrice, pour ne pas dire procréatrice et dont les intentions pèsent sur la marche du monde.    

Dès lors, tout devient enjeu et de nouveaux archétypes réservés aux adultes entrent en scène pour les besoins de la cause : Le trikster, l’enfant, l'éros, le messager, l’ombre, le Puer…et j’en passe !

Avec leur irruption dans la conscience, les archétypes ne sont plus cachés, ils sortent de leur statut collectif pour nous adresser des questions personnelles dont notre avenir dépend, et dès lors, l’individuation devient la clef de notre réalisation.

C’est uniquement parce que la question du devenir nous engage qu’elle nous consolide et nous enracine en tant qu’individu lorsque nous y répondons ;
c
e n’est qu’à partir de questions, auxquelles personne ne peut répondre à notre place, que nous nous révélons et que nous existons à part entière, et ici, on ne joue plus, tous nos choix ont des conséquences.

Quand l’archétypal nous questionne, on ne fuit pas la question, l’absence de choix, la fuite ou le dénie ne sont pas des options !

Dès lors que par la force des choses les archétypes s’invitent dans notre constitution, y posent leurs lois et nous interrogent, nous devons comprendre que les mondes s’interpénètrent.
Ils sont entrés dans notre monde et nous sommes entrés dans le leur.
Ils sont comme nous et nous sommes comme eux, les hommes sont des Dieux mortels, les Dieux sont des hommes immortels.

Par le fait, il devient de notre devoir de réaliser dans l’ici et le maintenant notre mythe personnel au fil des jours de notre vie.

A défaut de nous déterminer et d’assumer notre statut, nous lâchons le volant de notre « archétypalité ».
Elle est laissée à l’abandon, elle part à la dérive et par gravité se laisse mécaniquement attirer par une masse   plus volumineuse à laquelle elle s’agrège.

Ces masses psychiques opportunistes et « attrape tout » sont des mythes collectifs de naissance douteuse.
Dans la plupart des cas, s’y agréger c’est faire allégeance à une idéologie dont le nom se termine en isme. 

Les moins dangereuses sont liées à l’immobilisme et font de nous les sujets hypnotisés des grandes messes médiatiques ;
les plus dangereuses sont liées au fondamentalisme, elles dissolvent la conscience et externalisent l’intériorité.

En d’autres termes, elles projettent volontairement dans le réel ce que les bipolaires rencontrent involontairement en phase haute.

Mais les unes comme les autres détournent les braves gens de leur nature profonde à laquelle ils ne donnent plus droit. 

Un tel renoncement leur fait engager tout leur potentiel au service d’intérêts privés.
ils apportent alors avec naïveté le meilleur d’eux même à ceux qui, de toute façon, les méprisent et ne rêvent que de monopole et de toute puissance. 

C’est ainsi que naissent les névroses et les dépressions !

Conclusion :

Il me semble que concernant les archétypes, le point important est :

Ils existent, ils sont puissants, ils nous dépassent, ils nous questionnent et il n’y a ni moyen de se soustraire à l’épreuve, ni moyen de copiner avec eux.

Toutes les tentatives de fuite, d’évitement ou de révolte conduisent à des troubles du comportement.

Les plus bénins vont de la superficialité la plus confondante à l’égarement dans le labyrinthe d’un intellectualisme perché ;
les plus aigus vont de la dépression dévastatrice à la perversion narcissique la plus inhumaine…

Il y a donc possiblement une certaine sagesse à accepter l’épreuve et à y faire face.
Il y a peut-être une perche à saisir lorsque l’intériorité nous invite et nous dévoile ses secrets.
Il n’est pas exclu qu’à force de s’intégrer à notre destin de mortel ils puissent faire germer en nous l’envie de nous intégrer à leur destin d’immortel. Il y a peut-être des passages à trouver, des portes à franchir, jusqu’à pourquoi pas, pouvoir nous aussi comprendre l’infini.  

(1)     Les Archétypes n’appartiennent pas exclusivement mais composent exclusivement l’inconscient collectif.
Nous avons toutefois choisi de présenter les choses en séparant contenant et contenu dans un souci de progression pédagogique, de façon à ne pas dérouter le lecteur dès les premiers paragraphes.
  
De plus, en tant que l’un et l’autre, les archétypes peuvent aussi à bon droit s’analyser successivement en tant que l’un, puis, en tant que l’autre.
                          

(2)     Nous choisissons de faire un condensé "maison" plutôt que de citer Jung qui a toujours été abondant sans jamais être exhaustif concernant les archétypes.
Il n’y a, à notre connaissance, aucun écrit de CG Jung qui soit suffisamment synthétique sur le sujet pour qu’il soit pertinent de le citer dans la contrainte d’un format court tel que celui de cet article. 

(3)     Si la filiation est bien réelle, l’ADN des archétypes n’est, évidemment, qu’une vue de l’esprit. Il s’agit juste de mettre en relief une trace que l’analyse a permis de déceler.